Mise à jour le 02 sept. 2022
Publié le 3 décembre 2020 Mis à jour le 2 septembre 2022

Financement ANR
2007 - 2011
Porté par Bernard Lété

Partenaires
  • Laboratoire d'Étude des Acquisitions et du Développement, CNRS-UMR 5022, Université de Bourgogne
    - Jean-Michel Boucheix
    - Laurent Bergerot et Stéphane Argon : développement informatique
     
  • Laboratoire Parole et Langage, CNRS-UMR 6057, Université de Provence
    - Stéphanie Ducrot
    - Mathilde Muneaux
     
  • Laboratoire de Psychologie et Neurocognition, CNRS-UMR 5105, Université Pierre Mendès France, Grenoble
    - Ronald Peereman
     
  • Inspection Académique ASH Sud Isère
     
  • IUFM de Lyon, ASH
Objectifs

En imposant à l'école d'accueillir tout enfant handicapé, la loi de février 2005 sur le handicap bouleverse plusieurs aspects liés à la transmission des savoirs et à leur acquisition. Elle modifie les pratiques enseignantes en nécessitant un suivi effectif des apprentissages des élèves handicapés afin de favoriser au mieux leur réussite. Elle doit également stimuler la création de dispositifs pédagogiques innovants afin d'aider l'enseignant à gérer la variabilité individuelle des apprenants au sein de la classe. Dans le cadre de la loi, le handicap réfère en effet à une étendue très large de déficits qui vont des déficits sévères comme la privation sensorielle (enfants sourds, aveugles) aux troubles développementaux de l'acquisition du langage écrit (dyslexie) ou du langage oral (dysphasie) en passant par des syndromes liés à des anomalies génétiques (syndrome de Williams, syndrome de Down).
La loi crée de nouvelles structures et de nouveaux dispositifs pour accompagner les élèves handicapés en milieu scolaire (Projet Personnalisé de Scolarisation ?PPS? conduit par l'Équipe de Suivi de la Scolarisation ?ESS?) alors que nous manquons encore de connaissances sur les développements cognitifs des élèves handicapés intégrés en contexte scolaire ordinaire. En effet, l'étude de certains handicaps n'a pas encore dépassé le niveau de leur impact sur les fonctions cognitives générales et les causes de certains déficits, comme la dyslexie, sont encore largement débattues.
La recherche visait à apporter des données sur l'évolution des apprentissages des élèves handicapés grâce à une évaluation de leurs compétences à apprendre, facteur déterminant à la réussite de leur intégration au sein de la classe et dans leur vie sociale future.
Plus précisément, le projet cherchait à étudier la pertinence d'un Diagnostic Différentiel Dynamique des apprentissages (3D-app) dans le but de fournir des éléments d'appréciation aux enseignants pour piloter au mieux leurs interventions pédagogiques.
Le 3D-app repose sur une mise en cohérence de deux types de données: celles issues de mesures de tests d'intelligence, neuropsychologiques et d'apprentissages scolaires et celles issues d'épreuves mesurant le potentiel d'apprentissage dans des domaines qui apparaissent comme critiques à la réussite scolaire de l'enfant (les déficiences cognitives liées au handicap de l'enfant). Ces épreuves évaluent essentiellement les apprentissages implicites dans les domaines de la lecture et du calcul.
On appelle apprentissage implicite toute acquisition qui ne nécessite pas de ressources attentionnelles et qui est effectuée sans volonté délibérée. La plupart de nos apprentissages se fait sur un mode implicite ou non supervisé: ce mode est extrêmement efficace mais a l'inconvénient de traiter tant les événements corrects que ceux incorrects (les erreurs).
De façon à évaluer les aspects différentiels des compétences à apprendre, plusieurs types de handicap ont été étudiés allant des troubles développementaux du langage (dyslexiques, dysphasiques), aux déficits sensoriels (audition, vision) et aux anomalies génétiques (syndrome de Williams, syndrome de Down, X fragile).

Tâches développées

En dehors de l'aspect "logistique" de l'étude (autorisation diverses du milieu éducatif, mobilisation des enseignants et psychologues scolaires, ?), la difficulté a bien évidemment résidé dans la création d'épreuves attractives pour ces enfants qui peuvent abandonner très rapidement toute tâche trop rébarbative ou trop cognitivement coûteuse. Afin d'étudier au mieux les apprentissages implicites, il fallait en effet ne pas transiger sur la difficulté d'apprentissage et faire apprendre à l'enfant pendant une durée assez longue de façon à pouvoir mesurer l'évolution de son apprentissage. Il fallait également travailler dans une fenêtre de difficulté permettant d'éviter les effets planchers et les effets plafonds, fenêtre très difficile à appréhender sans test préalable. Un important travail de création infographique a donc été mené pour rendre les tâches ludiques et captivantes pour l'enfant sans perdre pour autant la précision de la mesure. Pour cela, un personnage animé (cette girafe à droite) a été créé. Les consignes et les feedbacks sont donnés par ce personnage sous forme de dessins animés très courts qui rendent la tâche très attractive pour l'enfant. Ce travail a été effectué par Stéphane Argon (création infographique) et par Laurent Bergerot (création du logiciel) au LEAD (CNRS) de l'Université de Bourgogne, ceci en collaboration avec les auteurs des tâches.

Quatre prototypes de tâches ont été développés en 2007-2008 et font actuellement l'objet d'une réécriture informatique pour prendre en compte les ajustements nécessaires mis en évidence lors des passations de juin 2008 :

  • Temps d'inhibition cognitive
  • Capacité de la mémoire de travail visuo-spatiale
  • Apprentissage implicite
  • Apprentissage statistique des suites orthographiques

Dans cette dernière tâche, l'extraction des régularités statistiques entre phonèmes et graphèmes y est étudiée grâce à un apprentissage d'une orthographe artificielle (Gombert & Peereman, 2001). La consistance des relations phonèmes-graphèmes est manipulée de même que l'utilisation du contexte adjacent pour résoudre les inconsistances.
L'enfant est placé dans une tâche où il doit apprendre l'orthographe de 12 mots possédant 4 caractères artificiels différents : un caractère est très consistant car il est toujours associé au même phonème alors que les trois autres caractères sont inconsistants car ils sont associés à un même autre phonème. Parmi ces trois caractères inconsistants, un caractère est cependant prédictible car il apparaît toujours en association avec la même coda ; les deux autres caractères sont imprédictibles car ils sont associés à des contextes consonantiques différents.
Après une phase de familiarisation qui associe visuellement les mots présentés auditivement à des images d'animaux imaginaires (chimères), l'enfant poursuit l'épreuve en phase 2 avec une série de cinq apprentissages successifs où il doit choisir le caractère correct du mot après son audition. L'enfant est aidé par le personnage animé qui lui indique de façon amusante s'il a juste ou faux. L'enfant qui est capable d'apprendre doit progressivement passer d'un stade de réponses données au hasard (il n'a pas pu apprendre correctement lors de la phase de familiarisation) à un stade où il exploite les régularités statistiques du matériel présenté pour donner sa réponse. L'évolution de ses performances au cours des cinq périodes d'apprentissage avec feedback est censée fournir l'évolution de l'acquisition des connaissances de nature probabiliste.
Lors de la dernière phase, l'enfant devient tuteur en donnant un feedback positif ou négatif à un personnage animé qui joue à son tour et qui sélectionne l'un des quatre caractères artificiels lors de l'audition des (pseudo)mots. Le transfert d'apprentissage est également mesuré à de vrais mots de la langue française.
Le traitement des données recueillies lors du pré-test a fait apparaître des effets d'apprentissage des régularités statistiques dépendantes à la fois de la consistance de la relation phonème-graphème à apprendre mais également de la prédictibilité de l'orthographe du graphème relativement à son contexte consonantique droit.